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Son Papillon de Nuit

Écriture, Mise en scène: 

Emilie Fabre

Assistante à la mise en scène:

Claire Mittaine

Dramaturgie:

Simon Bomo

Création Lumière :

Alex Boittin

Avec :

Julien Bertaud, Emilie Fabre

Son Papillon de Nuit

TEASER

 

Note d'Intention

 

 

Pauvre, attendu, le langage traumatique résonne comme une volonté, un désir de se dire. Tracé d'avance, souvent logique, il emprunte à d'autres, il est insuffisant. « Se mentir à soi-même » oppose une vérité informulée, soupçonnée mais tue, à une autre, celle de tous les jours, celle que l'on se raconte. Quelle est la nature de ce mensonge? Comment s'approcher de cette douleur qui ne se dit pas, qui reste là, tapie au fond des corps?

Mentir, donc. Nous avons choisi de mentir pour aller au plus proche de la douleur. Sans tenter de la saisir, de la comprendre, sans mots d'emprunt, nous nous sommes appliqués à la faire vivre dans ce qu'elle est. Une réalité mouvante, inscrite dans une durée où passé et présent s'entrechoquent, vissée au corps. Nous avons voulu mentir... pour voir.

 

Ainsi est née l'histoire de cette femme victime de violences, à la recherche de sa propre langue. Sans psychologie ou souci de réalisme, nous avons travaillé sur les mots, ou plutôt l'absence de mots, sur ce qu'elle ne dit pas. Ce qui se détache d'elle dans cette réalité informe, où se mêlent figures masculines passées et futures, situations réelles et fantasmées. Nous avons voulu parler de sa guérison à travers sa ré-appropriation du langage, d'un autre, du sien, celui qui lui a toujours manqué et qui l'a empêchée de se défendre.

 

Travailler sur la douleur passera par le corps. Un corps libre dans un espace changeant, évoluant au gré d'une scénographie d'objets en mouvement. Un corps poétique traversé de mots, erratique dans un univers dansant et symbolique. Ce théâtre s'attachera à révéler la douleur d'entre les mots. La montrer sans l'alourdir. D'y creuser pour que jaillissent poésie et beauté.

Extrait

Ma neige fraîche. Il m'appelait comme cela. J'étais la neige fraîche d'un homme aux yeux gris de lame. Un regard voilé de soleil comme l'on en trouve qu'en Perse. Rien emporté d'autre que ses deux yeux gris de lame, le scintillement de la neige et l'éclat du couteau.

Rien emporté d'autre que cela.

Que cette confusion

couteau pour trancher, neige immaculée pour cacher.

Mais pour cacher quoi au juste?

De la boue, oui de la boue de tous les jours, de celle qui déborde des poubelles des cuisines trop bien nettoyées, et des vies de femmes simples et rangées.

J'ai espéré tenir bon en frottant mes plaies au glaçon chaque jour. Cautériser et oublier. Petit à petit, j'ai eu trop froid. De la glace, il en fallait sur mon corps. Tous les jours, un peu plus. Alors je suis partie.

Partie pour ne pas mourir de froid.

Je crois que c'est à ce moment là qu'il m'a dit que je devais passer dessus. Oui mais passer par dessus quoi? Une barrière? Je te te le demande. Comment passer par dessus une barrière avec des membres engourdis?

Bref, je me suis sauvée.

Je crois que j'y reviens toujours à cet instant là. L'instant de la libération, de la rue, du soleil et de ce parc où je me suis baladée pour me calmer les sangs.

J'y reviens, j'y reviens.

Incessamment.

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